Face à la montée du niveau de la mer et au risque de submersions dans les villes littorales de Seine-Maritime, quelles solutions existent pour limiter l’impact sur les personnes, les biens et les usages ?
C’est une des questions à laquelle les élus, les établissements publics, les usagers tentent de répondre en travaillant avec le Syndicat Mixte du Littoral 76 afin d’écrire et mettre en œuvre une stratégie de gestion intégrée du trait de côte.
Saint-Valery-en-Caux, un exemple de ville portuaire du littoral seinomarin soumise au risque de submersion.
Les Valeriquais le constatent de plus en plus souvent à l’occasion de tempêtes ou lors des grandes marées, la ville de Saint-Valery-en-Caux est exposée aux aléas naturels littoraux de submersion marine par débordement de quais et/ou par franchissements par paquets de mer.
Les photographies suivantes illustrent ces phénomènes.
Franchissement par paquet de mer lors du coup de vent du 01/04/2022 – Crédit photo : Philippe Charbonnier
Débordement de quai – Janvier 2018
Ces submersions ont des conséquences sur les personnes et les biens qui sont exposés avec notamment des risques d’inondations des bâtiments implantés à proximité des bords de quais et à l’arrière du front de mer.
Si le littoral a toujours été exposé à ces phénomènes, ils se trouvent aujourd’hui accentués par l’élévation du niveau de la mer ; conséquence du changement climatique. En effet, selon les données du GIEC Normand, le niveau de la mer augmente depuis les années 1900 et cette hausse est de plus en plus rapide : +1.88 mm/an entre 1900 et 2009 ; + 3.4 mm/an entre 1993 et 2011 ; +5 mm/an entre 2011 et 2018. Étant donnée la dynamique actuelle, les experts prévoient une hausse d’au moins un mètre du niveau de la mer d’ici 2100.
Afin d’anticiper et se préparer à ces évolutions, les services de l’État (DREAL Normandie) proposent des cartes qui permettent de repérer les zones basses situées à moins de 1 mètre au-dessus du niveau actuel de la mer.
Ainsi, sur la carte suivante, on identifie :
- en bleu marine, les bassins portuaires d’une profondeur de plus d’un mètre sous le niveau de la mer,
- en vert clair, les zones situées à moins d’un mètre au-dessus du niveau marin actuel. Ce sont ces secteurs qui sont les plus vulnérables au risque de submersion et pour lequel il s’agit de trouver des solutions de gestion, afin de réduire les dommages sur les personnes et les biens. On notera que les secteurs du quai de la Batellerie et de la gare sont particulièrement concernés à Saint-Valery-en-Caux.
Comment gérer ces risques de submersions ? Quelles sont les solutions ?
Différents modes de gestion sont possibles
- La protection des personnes et des biens qui sont exposés. Exemple : rehausser des quais, construire des digues, mettre en place des protections amovibles.
- L’adaptation des installations, des constructions et des usages pour qu’ils soient moins vulnérables aux submersions. Exemple : supprimer les caves, rehausser les installations électriques des constructions, supprimer les pièces de vie en rez-de-chaussée, prévenir les usagers avant un épisode de submersion pour qu’ils adaptent leur comportement, …
- La recomposition du territoire, c’est-à-dire le réaménagement des secteurs exposés pour qu’ils deviennent résilients et que les submersions aient peu ou pas d’impact. Exemple : déménager les bâtiments qui peuvent l’être dans des secteurs non exposés aux submersions, laisser des zones naturelles qui peuvent accueillir l’eau de mer, déménager les réseaux, …
- La non-intervention, le « laisser-faire ».
Définir collectivement quel littoral est souhaitable pour demain et quelles sont les mesures de gestion à mettre en place dans le cadre de la Stratégie Littoral 76.
L’ensemble des territoires littoraux de la Seine-Maritime sont concernés par les risques naturels de submersion marine et de recul du trait de côte dans le contexte du changement climatique et de l’élévation du niveau de la mer. Ainsi, les établissements publics de coopération intercommunaux du Havre au Tréport, des syndicats de bassins versants et le Département ont décidé de créer le Syndicat Mixte du Littoral 76 (SML76) fin 2019 afin, entre autre, de coordonner et élaborer une stratégie de gestion intégrée et concertée du trait de côte. Il s’agit d’améliorer la gestion de la submersion marine et du recul du trait de côte, d’anticiper les conséquences du changement climatique et d’adapter les territoires littoraux avec et au bénéfice de l’ensemble des acteurs concernés (habitants, usagers, élus, agents d’établissements publics, experts, urbanistes, gestionnaires d’espaces, etc.).
Lancé en juin 2022, la construction de cette stratégie se fait par étape et devrait s’achever fin 2024.
- Diagnostic : quels sont les phénomènes naturels sur le littoral ? Où interviennent-ils et quels sont leurs impacts ?
- Stratégie : quel littoral souhaitons-nous collectivement en 2100 ?
- Actions : quelles sont les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long terme pour atteindre les objectifs stratégiques fixés ?
Pour y parvenir, le SML76 travaille étroitement avec l’ensemble des partenaires locaux et institutionnels via l’organisation de réunions publiques, d’ateliers de co-construction, d’enquêtes et d’entretiens. Au total, ce sont plus de 400 personnes qui ont contribué à ce jour aux travaux de construction de la Stratégie Littoral 76.
Expérimenter pour identifier les solutions efficaces.
En matière de protection, étant donné que les ouvrages actuels (digues, murs, …) ne seront pas suffisants pour faire face à la montée du niveau de la mer et qu’il ne sera pas possible de déplacer toutes les constructions menacées ou de créer de nouveaux ouvrages, des solutions techniques innovantes, amovibles et souples de protection des bâtiments sont proposées. C’est le cas de la barrière anti-inondation Floodframe, adaptable à tous types de constructions, invisible, permanente et automatique.
Le principe : en cas de montée du niveau de l’eau, une « bâche » étanche équipée d’un flotteur se déploie automatiquement autour du bâtiment, le long des murs et empêche l’eau d’entrer.
Source : flyer Floodframe
Inventée au Danemark, la barrière anti-inondation FloodFrame respecte les recommandations internationales de protection des propriétés contre les inondations (Property Flood Resilience ou PFR). Elle est fonctionnelle pour des débordements de plans d’eau et des ruissellements extrêmes. Pour en savoir plus, consultez la vidéo.
À Saint-Valery-en-Caux, le bâtiment patrimonial de la Maison Henri 4 est exposé au débordement de quai de plus en plus souvent. Dans un souci de préservation de ce patrimoine exceptionnel, le SML76, la communauté de communes de la Côte d’Albâtre et la mairie envisagent de faire appel à cette solution technique pour la protéger.
Cependant, le dispositif n’a encore jamais été testé dans le cas d’un débordement de « plan d’eau » agité (c’est-à-dire soumis à la houle, avec des vagues) comme c’est le cas à Saint-Valery-en-Caux. Ainsi, l’entreprise « FLOODFRAME », les services de la communauté de communes de la Côte d’Albâtre, la mairie de Saint-Valery-en-Caux et le SML76 ont décidé d’effectuer un test au niveau du quai de la Batellerie avant d’envisager éventuellement de le mettre en place pour protéger la Maison Henri 4.
Concrètement, une boîte a été installée sur le quai en janvier 2024 pour 7 mois : elle comprend une caisse qui matérialise un bâtiment à protéger et le système de barrière anti-inondation FLOODFRAME. Une caméra permet de visualiser son fonctionnement et son efficacité durant les prochains épisodes de débordement du quais. Ce que vous voyez en temps normal (hors période de submersion) n’est qu’une cloche protectrice du dispositif.